ART et SCIENCE la part de la technique. A partir de l'oeuvre de Denis Pondruel

Rationalité, application et expérimentation offrent aux scientifiques comme aux artistes la possibilité d’investir de nouveaux territoires physiques, immatériels ou humains. Ils participent d’une connaissance renouvelée de nos perceptions et de nos savoirs par une interrogation constante de la limite entre art et science. Ils conditionnent ainsi notre rapport au monde et notre relation à la création. Dans l’antagonisme entre la vision restrictive d’une approche scientifique rigoureuse et démonstrative, distinguée de celle présumée subjective et expérientielle de l’art, la présente journée d’étude vise à sonder un point de bascule. Elle tend à dépasser cette opposition pour interroger un équilibre tout aussi précaire que fécond. Par une approche à la fois rationnelle, éthique, poïétique et esthétique elle vise à réenvisager la limite entre art et science, de même que la place de l’artiste, du scientifique, face aux évolutions techniques et ses enjeux.

Des sciences exactes aux sciences humaines, les potentialités techniques ouvrent des problématiques sans cesse renouvelées à travers l’histoire des arts et des sciences. Elles engagent des enjeux éminemment contemporains à l’instar de l’exposition Le rêve des formes réalisée au Palais de Tokyo en 2017 où la coopération entre artistes et chercheurs engage un terreau de création et de recherche stimulant. Au creux de cette relation poreuse, il convient d’explorer la part de la technique dans l’étendue étymologique de la technè. Il s’agit d’en sonder les potentialités sans en omettre les risques. De fait quand l’artiste s’approprie des techniques pour interroger les évolutions scientifiques, biologiques voire génétiques prend-il le risque d’une dérive ou d’une posture visionnaire ? Lorsque le scientifique se frotte à l’art risque-t-il de perdre en crédibilité ? De même dans cet équilibre instable ne devrait-on pas craindre de subordonner l’art à la technique ou la technique à l’art ?

La part de la technique s’envisage dans cette voie comme un levier de recherche. Dans le sillage de la pensée de Gilbert Simondon elle nous convie à penser la relation entre l’homme et l’objet technique. Elle détermine également de nouveaux points de convergences grâce aux évolutions scientifiques, notamment par l’intérêt des neurosciences pour l’acte créateur. Le présent appel à contribution vise à sonder de cette tension le témoignage d’une fertilisation croisée, d’une hybridation féconde. Ce pourquoi de la plasticité cérébrale à la plasticité de l’œuvre il est important de définir quels chemins poïétiques emprunte l’artiste pour investir, dénoncer, transfigurer ou sublimer son environnement grâce aux évolutions techniques. Il est déterminant de questionner comment les évolutions de la technicité engagent des modifications sur ses conditionnements perceptifs. Comme il est nécessaire d’aborder la manière avec laquelle le scientifique fait de la création, du monde de l’art un levier de recherche, voire une injonction conflictuelle.

Telle une pierre angulaire, la part de la technique conditionne la perception du monde, l’approche des évolutions perceptives, éthiques et scientifiques liée à la relation art-science. Au cœur de cette corrélation, l’exposition de Denis Pondruel, artiste plasticien, ingénieur de formation, sera l’occasion d’expérimenter par une suite de prototypes, tondeuses, débroussailleuses, machines pensantes susceptibles d’écrire ou de dessiner sur la pelouse de l’université Toulouse Jean-Jaurès les enjeux plastiques et poïétique d’œuvres étroitement liée aux sciences et à la technique. Comme dans le lieu d’exposition de la Fabrique elle sera l’opportunité de saisir une démarche expérimentale au croisement de l’art et d’une recherche scientifique. Cette rencontre, adossée à l’exposition sera à nouveau l’occasion de discuter voir de requalifier l’importance de la technique dans les applications et expérimentations scientifiques et artistiques.